Un journaliste de la RTBF a fait un article montrant une image peu flatteuse de notre commune :(
Article et vidéo ici
Une commune où 150 nationalités se côtoient sur à peine plus d'un kilomètre carré ne peut pas être une commune comme les autres. De fait, Saint-Josse se singularise par beaucoup d'aspects. Tant par la jeunesse de sa population que par la densité de celle-ci. Ou encore par le fait qu'il s'agisse de la commune avec le revenu par habitant le plus bas de toute la Belgique. Nous avons tendu notre micro aux habitants de la commune pour connaître leur ressenti par rapport à cette situation et savoir comment ils y faisaient face.
Et aussi
La commune de Saint-Josse-ten-Noode, au cœur de Bruxelles, collectionne les singularités. Avec à peine plus d'un kilomètre carré de superficie, il s'agit tout d'abord de la plus petite commune de Bruxelles.
Mais au-delà de son territoire exigu, c'est surtout par sa démographie que Saint-Josse se démarque. Ainsi, si l’on en croit l’Institut bruxellois de Statistiques (IBS), il s'agit de la commune ayant la plus forte densité de population de Belgique - "équivalente à celle d’une ville comme Bombay", illustre l'IBS -.
Elle est également la commune la plus jeune du royaume puisqu'elle enregistre la moyenne d’âge la plus basse (33 ans et deux mois).
Autre particularité de la petite commune, parmi ses quelques 27 000 habitants, elle compterait plus de 150 nationalités s'exprimant dans une soixantaine de langues, d'après le site de la commune.
Mais le chiffre qui a fait parler le plus dans la presse et reste associé à Saint-Josse depuis quelques années est économique. En effet, ce petite territoire densément peuplé, très jeune et hyper métissé est aussi celui sur lequel on enregistre le revenu par habitant le plus faible de toute la Belgique. Les habitants de Saint-Josse seraient donc les plus pauvres de tous les Belges.
A la veille des scrutins qui s'annoncent ce 25 mai, comment cette situation est-elle vécue au quotidien? Comment est-il ressentie telle quelle par les Tennoodois? Qu'espèrent-ils des responsables politiques? Nous avons tenté de le découvrir dans ce webreportage.
Comme plusieurs autres habitants de la commune rencontrés au cours de ce reportage, Christian Pronto reste incrédule lorsqu'on lui annonce qu'il habite la commune de Belgique où le revenu moyen est le plus faible. Passer le stade de l'incrédulité, ce livreur qui habite Saint-Josse depuis plus de 22 ans nous invite à aller chercher au-delà des chiffres. Il fait sien le credo rendu célèbre par X-files: la vérité est ailleurs.
'Ce ne sont que des statistiques'
Sur la fameuse place Saint-Josse, les arrêts de bus sont bien garnis. Parmi les passagers en attente, une vieille dame nous interpelle. "Le monsieur que vous venez d'interroger a raison", nous confirme-t-elle. Elle ne nie pas que la pauvreté existe à Saint-Josse, cependant, après y avoir vécu pendant 60 ans, elle constate que les gens ont, aujourd'hui plus qu'hier, encore les moyens de se faire des petits plaisirs. Des choses qu'elle n'a pas pu se permettre dans sa jeunesse. Et cela a le don de lui donner le sourire.
'Les gens ont encore de quoi acheter des petites choses'
Ces petits plaisirs ne sont pourtant pas le lot de tout le monde ici. Parmi ceux qui ne peuvent en profiter, émarge un résident de la rue Traversière qui balaie devant son garage. Un revenu nettement en-dessous de la moyenne nationale, c'est bien la réalité à laquelle il doit faire face.
Christian Meunier a 58 ans. Il est né et a toujours vécu à Saint-Josse. Chômeur, il nous confie avoir un revenu nettement inférieur à 1000 euros par mois alors qu'il vit avec une fille qui est encore aux études. Il sait ne pas être le seul dans le cas dans sa commune. Une commune où la pauvreté se "ressent dans l'attitude des gens" et qui pousse à devoir compter chaque centime.
'La pauvreté se ressent dans l'attitude des gens'
Mais tout comme les personnes croisées précédemment, Christian souligne toutefois que si les Tennoodois ne roulent pas sur l'or, ils ne vivent pas pour autant dans un "ghetto" et que la vie n'est pas morose pour autant.
'On est loin du ghetto'
Dans un petit restaurant grec où nous entrons à l'improviste, des rires nous parviennent de la cuisine. Ce sont ceux d'Heleni Mallidis qui tient l'établissement avec son mari. Elle aussi souligne que la vie devient matériellement difficile pour les gens du coin et donc, par ricochet, pour son petit commerce.
'Les gens ne sortent plus au resto'
Un "village" où la solidarité sert d'airbag contre la précarité
Mais plutôt que de dresser un tableau noir, elle préfère souligner le côté "village" de cette localité qui jouxte la Ville de Bruxelles. Si la précarité a augmenté ces dernières années, cela a renforcé les liens de solidarité, souligne-t-elle. Même si cela ne l'aide pas pour autant à remplir ses caisses.
'Il y a plus de solidarité, à cause de la précarité'
Le seul client présent dans le restaurant en cette fin de matinée, c'est Hamsi Boubeker. Cet artiste algérien, installé à Saint-Josse depuis plus de vingt ans, veut bien répondre à nos questions, mais à condition de faire l'interview chez lui. Cela tombe bien, il habite à moins de cent mètres de là.
Lui aussi insiste sur l'aspect village de sa commune d'adoption. Et souligne, lui, que si Saint-Josse enregistre des revenus très faibles, elle est en fait "très très riche" de par sa créativité et sa diversité.
'En créativité, Saint-Josse est très très riche'
'Je suis bien ici, la diversité est extraordinaire'
Dans ce village urbain où l'on se serrent les coudes au sein des différentes communautés pour faire face aux difficultés, le tissu associatif est extrêmement dense. Plus d'une centaine d'associations sont ainsi répertoriées par les autorités communales.
Maria Miguel-Sierra est l'un des maillons en vue de cette riche étoffe associative. La directrice de "la Voix des Femmes", association présente à Saint-Josse depuis 1987, confirme, de par ses connaissances de terrain, que les solidarités communautaires, mais aussi des comportements de consommation différents, permettent d'amortir le choc de la précarité. Elle ne nie pas la difficulté de la vie dans les quartiers mais insiste sur les nuances qu'il faut apporter au strict constat chiffré.
Maria Miguel-Sierra sur les autres façons de consommer et la solidarité
"Coupée en deux" entre le "haut" huppé et le "bas" défavorisé
Mais tout n'est pas qu'harmonie et solidarité dans le "douze-dix", comme on l'appelle parfois (référence au code postal de la commune, 1210). Il y a en fait une division socio-économique qui épouse une division géographique.
D'un côté, le "haut" de la commune, à partir de la place Saint-Josse, le long de la rue des Deux Eglises et de ses parallèles. C'est le quartier huppé où vivent entre autres des employés des institutions européennes, de jeunes ménages issus des classes moyennes, des artistes, etc. Dans la rue des Deux Eglises, bordée de maisons bourgeoises du 19ème siècle, se côtoient des restaurants, des sièges de sociétés, le QG du cdH...
C'est ici qu'habite Mohamed El Yaagoubi. Cet étudiant en médecine dentaire de 22 ans s'est installé depuis un an avec sa petite amie dans le haut de Saint-Josse. Lorsqu'on lui demande s'il a l'impression de vivre dans une commune dont les habitants sont pauvres, il fronce les sourcils. Lui dit avoir plutôt l'impression de vivre au sein du quartier européen.
'Je me sens plus du quartier européen que d'un quartier pauvre'
Mais de "l'autre côté", le ressenti n'est pas le même. Cet autre côté, c'est le "bas", lorsque l'on s'éloigne de la place Saint-Josse et que l'on arrive au-delà de la Chaussée de Haecht. Là, les restaurants ont laissé la place aux snacks et aux petits épiciers. C'est ici qu'on trouve la fameuse rue du Brabant (célèbre pour ses magasins prisés principalement par les communautés marocaines et turques).
Dans la rue du Brabant, les Peep show côtoient les magasins de vêtements pour enfants et les librairies islamiques
Dans la rue du Brabant, les Peep show côtoient les magasins de vêtements pour enfants et les librairies islamiques - RTBF
Juste à côté de celle-ci, la non moins célèbre rue d'Aerschot, connue au-delà de nos frontières pour ses carrés dédiés à la prostitution. Ladite prostitution s'est d'ailleurs étendue à plusieurs rues adjacentes, où les enfants qui jouent dans la rue partagent l'asphalte avec des files de voitures de clients en quête d'une passe.
Dans ce quartier, nous croisons des jeunes qui, tout en restant courtois, voire amicaux, refusent de nous parler face caméra. "Parce qu'on ne fait pas confiance aux médias", nous expliquent-ils. Plus loin, au croisement de la rue de la Rivière et de la rue Verte, deux grosses berlines servent de points de rassemblement à une douzaine de jeunes hommes plutôt bien habillés. "Des dealers de blanche", affirme le client d'une boulangerie située à quelques dizaines de mètres de là. Une accusation dont nous n'avons pas pu vérifier le fondement, les personnes concernées ayant poliment mais fermement repoussé nos sollicitations.
Le client de la boulangerie n'habite pas la commune mais il tient à nous aider et nous emmène jusque au STIC. Le Service de Travaux d’Intérêt Collectif est une émanation de la mission locale de Saint-Josse pour l'emploi. Il poursuit des objectifs d'insertion socio-professionnelle notamment en proposant des formations rémunérées à des jeunes demandeurs d'emploi de la commune.
Parmi ces jeunes, il y a Sylvio Rasoa. Le jeune homme, plutôt timide, accepte cependant de nous parler. Il mentionne spontanément le fait que la commune fonctionne à deux, voire trois vitesses en ce qui concerne le niveau de vie.
'Une commune divisée'
Ces personnes extrêmement précarisées qu'évoque Sylvio, c'est également dans ce quartier que l'on peut les croiser. Henri, Saïd et Hassan sont trois amis de longue date. D'abord méfiants, ils acceptent de se faire prendre en photo avant de nous confier être sans abris.
"Moi je dors sur un chantier pas loin d'ici", avoue Henri après quelques minutes de discussion. "La survie dans ces conditions, c'est une partie d'échec permanente, tu ne peux jamais relâcher ton attention", commente Saïd. Tous trois restent affables et pudiques sur la dureté de leurs conditions de vie. Mais cette dernière a marqué leur visage.
Hassan, Henri et Saïd, trois amis qui habitent les rues de Saint-Josse et de la Ville de Bruxelles
Hassan, Henri et Saïd, trois amis qui habitent les rues de Saint-Josse et de la Ville de Bruxelles - RTBF
"Les deux roulent"
On se trouve ici dans le quartier le plus défavorisé de la commune au plus bas revenu moyen par habitant de Belgique. Et pourtant, tout n'est pas noir pour autant ici. Au contraire, de nombreuses personnes croisées au détour des rues de la Praire, de Linné, de la Poste et des ruelles adjacentes nous disent hors caméra qu'ils aiment la vie ici.
Sylvio est un des rares a bien vouloir le dire face caméra. Pour lui, personnellement, "ça se passe bien", assure-t-il.
'Je ne manque de rien, on va dire'
Au croisement de la rue Verte et de la rue de l'Ascension, dans un café turc, Berk est attablé avec des amis. Il a 44 ans, dont 40 passées à Saint-Josse, dans ce quartier où la communauté belgo-turque est très présente.
S'il n'est pas du genre à cacher ce qui ne va pas, il insiste également sur le décalage qui peut exister entre les statistiques des revenus et ce que ces chiffres représentent concrètement. Il évoque, lui aussi, la solidarité communautaire et les habitudes de consommation. C'est sa réalité et voici comment il la décrit.
'Il ne faut pas regarder le revenu, mais ce qui reste en fin de mois'
En conclusion, si à Saint-Josse, il faut souvent faire avec un revenu moindre qu'ailleurs dans le pays, la solidarité, les astuces de consommation, les commerces de quartier permettent d'amortir le choc de la précarité. Et comme le dit Berk lui-même, qu'on conduise une Mercedes ou une Ford, "les deux roulent".
Source : http://www.rtbf.be/info/belgique/detail_saint-josse-commune-la-plus-pauvre-les-statistiques-face-a-la-realite?id=8249141
Article et vidéo ici
Une commune où 150 nationalités se côtoient sur à peine plus d'un kilomètre carré ne peut pas être une commune comme les autres. De fait, Saint-Josse se singularise par beaucoup d'aspects. Tant par la jeunesse de sa population que par la densité de celle-ci. Ou encore par le fait qu'il s'agisse de la commune avec le revenu par habitant le plus bas de toute la Belgique. Nous avons tendu notre micro aux habitants de la commune pour connaître leur ressenti par rapport à cette situation et savoir comment ils y faisaient face.
Et aussi
La commune de Saint-Josse-ten-Noode, au cœur de Bruxelles, collectionne les singularités. Avec à peine plus d'un kilomètre carré de superficie, il s'agit tout d'abord de la plus petite commune de Bruxelles.
Mais au-delà de son territoire exigu, c'est surtout par sa démographie que Saint-Josse se démarque. Ainsi, si l’on en croit l’Institut bruxellois de Statistiques (IBS), il s'agit de la commune ayant la plus forte densité de population de Belgique - "équivalente à celle d’une ville comme Bombay", illustre l'IBS -.
Elle est également la commune la plus jeune du royaume puisqu'elle enregistre la moyenne d’âge la plus basse (33 ans et deux mois).
Autre particularité de la petite commune, parmi ses quelques 27 000 habitants, elle compterait plus de 150 nationalités s'exprimant dans une soixantaine de langues, d'après le site de la commune.
Mais le chiffre qui a fait parler le plus dans la presse et reste associé à Saint-Josse depuis quelques années est économique. En effet, ce petite territoire densément peuplé, très jeune et hyper métissé est aussi celui sur lequel on enregistre le revenu par habitant le plus faible de toute la Belgique. Les habitants de Saint-Josse seraient donc les plus pauvres de tous les Belges.
A la veille des scrutins qui s'annoncent ce 25 mai, comment cette situation est-elle vécue au quotidien? Comment est-il ressentie telle quelle par les Tennoodois? Qu'espèrent-ils des responsables politiques? Nous avons tenté de le découvrir dans ce webreportage.
Comme plusieurs autres habitants de la commune rencontrés au cours de ce reportage, Christian Pronto reste incrédule lorsqu'on lui annonce qu'il habite la commune de Belgique où le revenu moyen est le plus faible. Passer le stade de l'incrédulité, ce livreur qui habite Saint-Josse depuis plus de 22 ans nous invite à aller chercher au-delà des chiffres. Il fait sien le credo rendu célèbre par X-files: la vérité est ailleurs.
'Ce ne sont que des statistiques'
Sur la fameuse place Saint-Josse, les arrêts de bus sont bien garnis. Parmi les passagers en attente, une vieille dame nous interpelle. "Le monsieur que vous venez d'interroger a raison", nous confirme-t-elle. Elle ne nie pas que la pauvreté existe à Saint-Josse, cependant, après y avoir vécu pendant 60 ans, elle constate que les gens ont, aujourd'hui plus qu'hier, encore les moyens de se faire des petits plaisirs. Des choses qu'elle n'a pas pu se permettre dans sa jeunesse. Et cela a le don de lui donner le sourire.
'Les gens ont encore de quoi acheter des petites choses'
Ces petits plaisirs ne sont pourtant pas le lot de tout le monde ici. Parmi ceux qui ne peuvent en profiter, émarge un résident de la rue Traversière qui balaie devant son garage. Un revenu nettement en-dessous de la moyenne nationale, c'est bien la réalité à laquelle il doit faire face.
Christian Meunier a 58 ans. Il est né et a toujours vécu à Saint-Josse. Chômeur, il nous confie avoir un revenu nettement inférieur à 1000 euros par mois alors qu'il vit avec une fille qui est encore aux études. Il sait ne pas être le seul dans le cas dans sa commune. Une commune où la pauvreté se "ressent dans l'attitude des gens" et qui pousse à devoir compter chaque centime.
'La pauvreté se ressent dans l'attitude des gens'
Mais tout comme les personnes croisées précédemment, Christian souligne toutefois que si les Tennoodois ne roulent pas sur l'or, ils ne vivent pas pour autant dans un "ghetto" et que la vie n'est pas morose pour autant.
'On est loin du ghetto'
Dans un petit restaurant grec où nous entrons à l'improviste, des rires nous parviennent de la cuisine. Ce sont ceux d'Heleni Mallidis qui tient l'établissement avec son mari. Elle aussi souligne que la vie devient matériellement difficile pour les gens du coin et donc, par ricochet, pour son petit commerce.
'Les gens ne sortent plus au resto'
Un "village" où la solidarité sert d'airbag contre la précarité
Mais plutôt que de dresser un tableau noir, elle préfère souligner le côté "village" de cette localité qui jouxte la Ville de Bruxelles. Si la précarité a augmenté ces dernières années, cela a renforcé les liens de solidarité, souligne-t-elle. Même si cela ne l'aide pas pour autant à remplir ses caisses.
'Il y a plus de solidarité, à cause de la précarité'
Le seul client présent dans le restaurant en cette fin de matinée, c'est Hamsi Boubeker. Cet artiste algérien, installé à Saint-Josse depuis plus de vingt ans, veut bien répondre à nos questions, mais à condition de faire l'interview chez lui. Cela tombe bien, il habite à moins de cent mètres de là.
Lui aussi insiste sur l'aspect village de sa commune d'adoption. Et souligne, lui, que si Saint-Josse enregistre des revenus très faibles, elle est en fait "très très riche" de par sa créativité et sa diversité.
'En créativité, Saint-Josse est très très riche'
'Je suis bien ici, la diversité est extraordinaire'
Dans ce village urbain où l'on se serrent les coudes au sein des différentes communautés pour faire face aux difficultés, le tissu associatif est extrêmement dense. Plus d'une centaine d'associations sont ainsi répertoriées par les autorités communales.
Maria Miguel-Sierra est l'un des maillons en vue de cette riche étoffe associative. La directrice de "la Voix des Femmes", association présente à Saint-Josse depuis 1987, confirme, de par ses connaissances de terrain, que les solidarités communautaires, mais aussi des comportements de consommation différents, permettent d'amortir le choc de la précarité. Elle ne nie pas la difficulté de la vie dans les quartiers mais insiste sur les nuances qu'il faut apporter au strict constat chiffré.
Maria Miguel-Sierra sur les autres façons de consommer et la solidarité
"Coupée en deux" entre le "haut" huppé et le "bas" défavorisé
Mais tout n'est pas qu'harmonie et solidarité dans le "douze-dix", comme on l'appelle parfois (référence au code postal de la commune, 1210). Il y a en fait une division socio-économique qui épouse une division géographique.
D'un côté, le "haut" de la commune, à partir de la place Saint-Josse, le long de la rue des Deux Eglises et de ses parallèles. C'est le quartier huppé où vivent entre autres des employés des institutions européennes, de jeunes ménages issus des classes moyennes, des artistes, etc. Dans la rue des Deux Eglises, bordée de maisons bourgeoises du 19ème siècle, se côtoient des restaurants, des sièges de sociétés, le QG du cdH...
C'est ici qu'habite Mohamed El Yaagoubi. Cet étudiant en médecine dentaire de 22 ans s'est installé depuis un an avec sa petite amie dans le haut de Saint-Josse. Lorsqu'on lui demande s'il a l'impression de vivre dans une commune dont les habitants sont pauvres, il fronce les sourcils. Lui dit avoir plutôt l'impression de vivre au sein du quartier européen.
'Je me sens plus du quartier européen que d'un quartier pauvre'
Mais de "l'autre côté", le ressenti n'est pas le même. Cet autre côté, c'est le "bas", lorsque l'on s'éloigne de la place Saint-Josse et que l'on arrive au-delà de la Chaussée de Haecht. Là, les restaurants ont laissé la place aux snacks et aux petits épiciers. C'est ici qu'on trouve la fameuse rue du Brabant (célèbre pour ses magasins prisés principalement par les communautés marocaines et turques).
Dans la rue du Brabant, les Peep show côtoient les magasins de vêtements pour enfants et les librairies islamiques
Dans la rue du Brabant, les Peep show côtoient les magasins de vêtements pour enfants et les librairies islamiques - RTBF
Juste à côté de celle-ci, la non moins célèbre rue d'Aerschot, connue au-delà de nos frontières pour ses carrés dédiés à la prostitution. Ladite prostitution s'est d'ailleurs étendue à plusieurs rues adjacentes, où les enfants qui jouent dans la rue partagent l'asphalte avec des files de voitures de clients en quête d'une passe.
Dans ce quartier, nous croisons des jeunes qui, tout en restant courtois, voire amicaux, refusent de nous parler face caméra. "Parce qu'on ne fait pas confiance aux médias", nous expliquent-ils. Plus loin, au croisement de la rue de la Rivière et de la rue Verte, deux grosses berlines servent de points de rassemblement à une douzaine de jeunes hommes plutôt bien habillés. "Des dealers de blanche", affirme le client d'une boulangerie située à quelques dizaines de mètres de là. Une accusation dont nous n'avons pas pu vérifier le fondement, les personnes concernées ayant poliment mais fermement repoussé nos sollicitations.
Le client de la boulangerie n'habite pas la commune mais il tient à nous aider et nous emmène jusque au STIC. Le Service de Travaux d’Intérêt Collectif est une émanation de la mission locale de Saint-Josse pour l'emploi. Il poursuit des objectifs d'insertion socio-professionnelle notamment en proposant des formations rémunérées à des jeunes demandeurs d'emploi de la commune.
Parmi ces jeunes, il y a Sylvio Rasoa. Le jeune homme, plutôt timide, accepte cependant de nous parler. Il mentionne spontanément le fait que la commune fonctionne à deux, voire trois vitesses en ce qui concerne le niveau de vie.
'Une commune divisée'
Ces personnes extrêmement précarisées qu'évoque Sylvio, c'est également dans ce quartier que l'on peut les croiser. Henri, Saïd et Hassan sont trois amis de longue date. D'abord méfiants, ils acceptent de se faire prendre en photo avant de nous confier être sans abris.
"Moi je dors sur un chantier pas loin d'ici", avoue Henri après quelques minutes de discussion. "La survie dans ces conditions, c'est une partie d'échec permanente, tu ne peux jamais relâcher ton attention", commente Saïd. Tous trois restent affables et pudiques sur la dureté de leurs conditions de vie. Mais cette dernière a marqué leur visage.
Hassan, Henri et Saïd, trois amis qui habitent les rues de Saint-Josse et de la Ville de Bruxelles
Hassan, Henri et Saïd, trois amis qui habitent les rues de Saint-Josse et de la Ville de Bruxelles - RTBF
"Les deux roulent"
On se trouve ici dans le quartier le plus défavorisé de la commune au plus bas revenu moyen par habitant de Belgique. Et pourtant, tout n'est pas noir pour autant ici. Au contraire, de nombreuses personnes croisées au détour des rues de la Praire, de Linné, de la Poste et des ruelles adjacentes nous disent hors caméra qu'ils aiment la vie ici.
Sylvio est un des rares a bien vouloir le dire face caméra. Pour lui, personnellement, "ça se passe bien", assure-t-il.
'Je ne manque de rien, on va dire'
Au croisement de la rue Verte et de la rue de l'Ascension, dans un café turc, Berk est attablé avec des amis. Il a 44 ans, dont 40 passées à Saint-Josse, dans ce quartier où la communauté belgo-turque est très présente.
S'il n'est pas du genre à cacher ce qui ne va pas, il insiste également sur le décalage qui peut exister entre les statistiques des revenus et ce que ces chiffres représentent concrètement. Il évoque, lui aussi, la solidarité communautaire et les habitudes de consommation. C'est sa réalité et voici comment il la décrit.
'Il ne faut pas regarder le revenu, mais ce qui reste en fin de mois'
En conclusion, si à Saint-Josse, il faut souvent faire avec un revenu moindre qu'ailleurs dans le pays, la solidarité, les astuces de consommation, les commerces de quartier permettent d'amortir le choc de la précarité. Et comme le dit Berk lui-même, qu'on conduise une Mercedes ou une Ford, "les deux roulent".
Source : http://www.rtbf.be/info/belgique/detail_saint-josse-commune-la-plus-pauvre-les-statistiques-face-a-la-realite?id=8249141
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